Cette session-là, y’a pas un seul cours du mardi soir qu’on a pas foxé. Son cours de macro-économie était dans le pavillon juste à côté de là où j’avais mon cours d’histoire du christianisme. À chaque soir, j’arrivais en classe en retard et rendu à la pause, j’allais le rejoindre sur Sainte-Catherine. On avait même pu besoin de se texter pour s’entre-convaincre que l’université c’était mort pour nous. On aurait pu être en train d’acquérir des connaissances très chères payées dans d’autres pays et de travailler fort à devenir des adultes utiles et pertinents, mais au lieu de ça, on marchait. Sur Sainte-Catherine, en direction ouest, il y a la Place-des-Arts, de la bouffe cheap et des cafés étrangers. On parlait de mon problème de cash, de mon problème de blondes, de mon envie de vivre; de son problème de cash, de son problème de non-blonde, de son envie de se tuer. On parlait aussi de Montréal toute en ruines, de la jeunesse québécoise toute aussi en ruine et de la température qui était ben correcte après un été trop chaud. 

J’ai essayé de faire de la musique mais j’ai pu le goût de vendre des albums faits à la main et de louer des bars moins accueillants que mon salon. Il a essayé de travailler dans une grosse banque et d’aimer sa job mais c’était pas réciproque. Il nous faudrait du travail, mais pas de boss. Il nous faudrait un avenir, mais pas trop convenu. Il faudrait sortir de chez nous, mais pas juste pour boire. Il nous faudrait une excuse pour aller parler à du monde, pour répondre au téléphone, pour se payer un habitat sans vermine. De quoi qu’on peut faire avec tous nos amis. 

Nos soirées finissaient tout le temps à la même station de métro, lui en direction de Laval, moi en direction de Verdun. Une conversation étendue sur environ 15 mardis soirs. Quand on se quittait, tout ce qu’il y avait de régulier à part nos faces, c’était les murs de béton derrière nous. Tout le temps les mêmes. De nos points de vue respectifs, tout le temps le même mur. Ironiquement, lui, moi pis le mur, on était peut-être en train de travailler à devenir des adultes utiles et pertinents. 

Un an plus tard, on run une maison d’édition.